ne rapide et sommaire présentation du vaste sujet des "Barthes" permettra peut-être à certains de découvrir ce biotope particulier. Il est en effet possible, surtout aujourd'hui, de traverser le département des Landes sans avoir même conscience de l'existence de ce milieu humide qui génère une flore et une faune tout-à-fait spécifiques et originales, et qui a engendré une identité socioculturelle caractéristique de cet environnement. C'est un sujet délicat tant du point de vue de la fragilité de cet écosystème que de la sensibilité de ses habitants et utilisateurs.
Si l'on veut "faire simple", les Barthes désignent des zones régulièrement inondées de la vallée de l'Adour qui commencent en aval de la confluence de la Midouze. Elles sont ainsi nommées par opposition aux terres regroupées sous le terme de "Séqué", qui sont les terres sèches du coteau, non inondables.
L'origine du mot "Barthe" est à rechercher probablement d'un mot ibère (restes de l'invasion au deuxième siècle avant notre ère) signifiant "buisson", "taillis".
Si l'on suit l'historique des barthes, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une longue histoire sociale d'abord animée par la volonté d'acquérir et de contrôler de nombreux territoires, mais aussi liée au rôle stratégique de l'eau.
La porte s'ouvre lorsque
la marée descend, favorisant
l'écoulement des eaux
De travaux entrepris à une période que l'on situe généralement vers la fin du XVIIIe siècle, avec le concours probable des Hollandais, permettent de poldériser des terres jusqu'alors soumises à la domination constante des eaux.
Ces aménagements ont débuté sans doute par l'endiguement de l'Adour pour favoriser sa navigabilité. Ils ont consisté à établir un remarquable réseau de rigoles, fossés collecteurs et canaux ou "Esteys", munis de vannes baptisées "trompes" ou "portes à flot", qui ferment la barthe à la montée des eaux fluviomarines et se rouvrent lors du reflux.
Ce système devait assurer l'évacuation des eaux malgré les digues canalisant le fleuve.
Les tentatives d'assèchement des barthes ont été plutôt plus que moins un échec. Alors, les utilisateurs se sont adaptés au milieu et ont essayé de tirer profit de ces inconvéniebnts. Localement, des organisations syndicales sont même venues en réglementer les usages.
La Récolte du Matoc
Bien qu'ayant représenté une activité importante dans le barthes par le passé, elle a aujourd'hui complètement disparu. La couche superficielle alluviale sur laquelle croissait une herbe rase et drue, était prélevée par raclage. Ce mélange séché était transporté pour servir de litière au bétail et réutilisé ensuite pour amender les terres cultivables. L'opération avait un nom, tombé maintenant en désuétude: "faire la peloque".
Prélèvement du jonc
Le carex des marais qui poussait en abondance dans les barthes, servait aussi de litière pour les animaux. Les ajoncs traditionnellement utilisés dans les zones de forêts (le "soustre") étaient insuffisants; la production des barthes constituait un complément appréciable. Le carex servait aussi, tordu et entouré de paille, pour le paillage des chaises.
Pâturage dans les barthes
Le pâturage était soumis aux règles établies par les syndicats de barthes. Il servait à l'élevage extensif des chevaux, des vaches et des oies. Pendant l'hiver, les chevaux et les vaches peuvent rester sans inconvénient dans les barthes. Seules les inondations ramènent les troupeaux à la ferme. Peu à peu les vaches laitières ont disparu pour laisser place aux races destinées à la boucherie.
Récolte du fourrage
Sur les parcelle que l'on appelle les "barthes à foin", les coupes de l'herbe se font en juillet et en août. Le fourrage qui pousse là est abondant mais de médiocre qualité. Il est surtout difficile à faire sécher. Il est pourtant la principale source de foin du paysan d'Orthe. Le territoire des barthes à foin a été découpé en parcelles et distribué par lots aux métairies. Ainsi on peut remarquer sur les planches cadastrales, les parcellaires très géomètriques de ces zones. Après la récolte du foin, les barthes sont librement ouvertes au bétail.
Cultures
C'est essentiellement le maïs, gourmand en eau qui s'est imposé dans les parties cultivées des barthes après drainage, sur des terres mises hors d'eau.
Pêche aux sangsues
Jusqu'à ce que la Sécurité sociale en abandonne le remboursement en 1972, de tous temps, les sangsues ont été utilisées en médecine pour soigner toutes sortes d'affections. Ces annelidés vivant en eau douce, dont le corps est terminé par une ventouse à chaque extrémité, absorbent le sang des vertébrés après avoir pratiqué, grâce aux trois mâchoires sur le pourtour de leur bouche, une incision dans la peau. Pullulant dans les eaux des canaux et des barthes, elles ont fait l'objet d'une pêche intensive pour être vendues aux pharmaciens.
La méthode était simple : on relevait les jambes du pantalon et on faisait baigner les mollets qu'il sufisait ensuite de débarrasser de leur colonie de sangsues. La vente permettait de se constituer un petit pécule en argent liquide, ce qui était rare à une époque où la vie quasi autarcique du monde paysan pratiquait essentiellement l'échange.
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Sangsues, Médication & Humour
Le médecin : Voyons, la malade ne va pas mieux ? C'est bien étonnant ! Vous avez pourtant bien appliqué les sangsues sur l'estomac ?
- Dame, voui, Mossieu, allez avant bé appliqué sur l'estoumal : lé z'avant fait thuire [cuire] avec do bare [beurre], pis l'avant fait mangeais : a lé z'a trouvé bé bonnes, et tot."
Carte 1918
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Mais cette pêche lucrative va bien vite être réglementée. Le 3 avril 1824, le préfet Du Lambesc autorise les conseils municipaux des communes riveraines de l'Adour,
à mettre en ferme la pêche aux sangsues. Ce que fait par exemple, le conseil municipal de St Étienne d'Orthe avant la fin de l'année, avec "interdiction de pratiquer la pêche du 1er janvier au
1er mai de chaque année. Cependant le fermier aura obligation d'avoir en permanence chez lui pendant cette période de prohibition, le nombre de mille sangsues pour subvenir aux besoins des
habitants.
Les barthes constituent un biotope particulièrement apprécié des gibiers d'eau, migrateurs ou sédentaires. Avec une réglementation sévère en vigueur, la chasse s'y pratique donc encore aujourd'hui de façon tout-à-fait active. Si la chasse "à la tonne" (n'allez pas croire qu'il s'agit du poids de gibier auquel à droit quotidiennement chaque chasseur, mais, simplement, de l'abri dans lequel le chasseur se cache et s'abrite pour guetter "le passage") est largement pratiquée, en revanche "la chasse à la jument" est aujourd'hui prohibée. L'approche des gibiers se fait en faisant avancer comme un écran devant soi, un cheval dressé pour ne pas réagir quand le chasseur appuie son arme sur son dos pour tirer le gibier (ci-dessous, la scène d'approche sur une carte postale ancienne).
Vous trouverez en fin de page suivante, sur ce sujet, le texte
de François Duhourcau publié en 1942 dans "L'Illustration".
… qui paissait dans la barthe d'Orthevielle a disparu.
Le 14 pluviose de l'An II de la République, comparaissent devant Gratien Cassoulet, juge de paix du canton de Peyrehorade et ses deux assesseurs Bordenave et Fortassier, les citoyens Lafourcade père et fils de Port de Lanne sur réquisition de Pierre Belin d'Orthevielle. En l'absence de celui-ci, jugement est rendu contre lui par défaut.
Le 18 du même mois, les Lafourcade comparaissent de nouveau devant le même juge assisté des citoyens Lesbay et Lagardère ses assesseurs, mais cette fois le demandeur Pierre Belin est présent. Il prétend que les Lafourcade se sont servi à différentes époques, de son cheval pour approcher les vols de canards et que c'est donc de leur fait si le cheval a disparu.
Les Lafourcade répliquent que s'il est vrai qu'ils ont voulu se servir de ce cheval pour approcher les canards, "le dit cheval ne voulu point rester." Ils l'ont donc laissé où il se trouvait et ont tiré les canards "à la faveur d'une haye"; ils l'ont même revu depuis sur la barthe. Ils ne peuvent donc être tenus pour responsables de la disparition du cheval.
Devant l'impossibilité dans laquelle il se trouve de départager les deux parties, le juge leur propose de comparaître de nouveau accompagnés de témoins pouvant prouver l'exactitude de leurs dires.
Deux jours plus tard, a lieu l'audience suivante. Les assesseurs sont cette fois, les citoyens Lagardère, Andrieu et Chegaray. Les témoins cités par Belin sont Antoine Garratin et Jean Piet sur la commune de Lanne, Jean Larrouy et Jean Treich d'Orthevielle. Ceux des Lafourcade sont Antoine Garratin de Lanne, Jean Cazaux, Pierre Susbielle et Pierre Dulucq d'Orthevielle.
Au moment où le premier témoin allait déposer, les deux parties ont déclaré qu'ayant réfléchi sur les frais qu'allait entraîner la procédure, elles avaient décidé de s'entendre à l'amiable : les Lafourcade versent 50 livres à Belin qui s'engage à les leur rendre s'il retrouve son cheval.
Sur la barthe comme ailleurs, tout est bien qui…
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