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La Voie Pouillonnaise Orientale

Nous avons vu que le vicomte assurait la sécurité jusqu’à la lande d’Estibeaux et aussi jusqu’à Bellocq, c’est à dire qu’il garantissait l’itinéraire venant du Limousin par Mont de Marsan, Habas et Bellocq. Mais nous ne nous attarderons pas sur cet itinéraire, et porterons notre attention sur les voies orthoises de la via turonensis, le “Grand Chemin”.
Le premier itinéraire orthois vient de Pouillon. Pour préciser cette voie, rappelons que la route jacobite et carolingienne se confondait avec l’itinéraire d’Antonin.
( Clément Urrutibéhéty, “Le Passage des Gaves” Bull. Sté de Borda, 1964 )


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À la sortie de Dax, la voie romaine vers Toulouse bifurquait à Narrosse et passait à Pouillon, au pied de la colline de Bénarucq. Le prieuré Saint Jacques de Pouillon, sur cet itinéraire, faisait face à Labatut et Sordes. Un second itinéraire venant de Saint Vincent de Xaintes, un établissement dacquois des Templiers au quartier de La Torte, aboutissait également à Pouillon, passant par Cagnotte.

Deux itinéraires s’offrent alors pour rejoindre le Gave. Le premier descend sur Labatut et Saint Cricq à hauteur du pont actuel. À Pouillon, nous étions sur l’itinéraire d’Antonin allant à Toulouse, le chemin rouge ou “de Charlemagne” sont réputés appartenir également à cet itinéraire. On peut donc affirmer qu’il s’agit là de la plus ancienne voie de circulation entre Pouillon et Sordes, qu’il s’agisse ou non de pèlerins.

 

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On passe le Gave, toujours sous la protection du vicomte d’Orthe, entre Labatut et Saint Cricq, puis on emprunte le “Chemin Rouge” ou chemin de Charlemagne à travers le coteau pour aboutir à Saint Martin de Misson. Une étape antique déjà sur le site de la villa de Lahitte, et qui ouvre la porte des Pyrénées aux voyageurs par le passage redouté de “La Toumbe”. Au-delà, le port de Léren, dominé par l’église Saint Vincent, dépendant de l’abbaye de Sordes.

 

L'autre itinéraire pouillonnais

 

Un second itinéraire arrive par le Prieuré de Saint Geaumes, sur Pouillon, qui dépend de l'abbaye de Cagnotte, et Sept-Haux sur Cauneille, un prieuré dépendant d'Arthous et connu dès le XIVe siècle. Sur le ruisseau de Hoursolle, les moulins de Pallet et Lahounade appartenaient aussi à Arthous sous la responsabilité du prieur de Sept-Haux.

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En suivant le ruisseau, on arrive à hauteur de Camoun. Là, étaient un établissement hospitalier de l'Ordre de Malte, un relais monastique et une chapelle dédiée à Notre Dame. Là était aussi le passage vers Sordes : sur la rive gauche du Gave de Pau, nous arrivons à "Balade" où se dessine le chemin qui va à Sordes, le chemin de "La Caussade", en grimpant sur le coteau. Cet itinéraire arrive directement face à l'abbaye, hors des murs de la bastide. Il permet également de se rendre à l'hôpital, à l'ouest de l'abbaye et à l'extérieur de la bastide.

C'est l'itinéraire le plus classique qui, avec l'itinéraire de Cauneille, va traverser le Gave d'Oloron en aval de l'hôpital ( mais en amont du pont actuel ), soit par le bac, soit un temps, par un pont. En effet, au XIIIe siècle, le passage par la Toumbe n'était peut-être plus utilisé car l'abbé de Sordes possédait un pont avec péage sur le Gave d'Oloron. Une des fondations de ce pont aurait été repérée en aval de l'hôpital.

Cet itinéraire rejoint le premier à Léren pour poursuivre en direction de l'hôpital d'Ordios, aujourd'hui sur la commune de Labastide Villefranche.

 

L'Histoire du Prieuré d'Ordios

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L’histoire de l’hôpital d’Ordios sur les chemins de Compostelle, a été présentée en 1893 par l’abbé Dubarrat, aumônier du Lycée de Pau et l’abbé P. Haristoy, curé de Ciboure dans un bulletin des “Études historiques & Religieuses du Diocèse de Bayonne”. Laissons-leur la parole pour nous relater cette visite à l’hôpital d’Ordios.
“Dans un des quartiers de Labasitde Villefranche, se trouve l’antique hôpital d'Ordios. L’histoire et la légende se sont plu à nous en dire les origines et les merveilles.
Voici en résumé, ce que raconte la Gallia Christiana : un brigand du nom d’Artérius et ses compagnons assassinèrent trois nobles pèlerins normands sur la route de Compostelle, au lieu d’Ordios. Les criminels furent pendus. Plus tard, l’archange Gabriel révéla le fait à un prêtre, Raymond Porchet, curé de Saint Dos, en lui commandant de retirer les corps du lac où ils avaient été jetés et de leur donner une sépulture. Le prêtre ayant rempli ce devoir, reçut de nouveau de la part de l’archange Gabriel l’ordre d’élever un sanctuaire sur ce tombeau à la gloire de Dieu. Il s’en ouvrit à l’évêque de Dax, Arnaud Guillaume de Sort, qui lui conseilla d’obéir au plus tôt aux décrets divins.

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a : mur de l'hémicycle ( en grande partie détruit )

b, b' : vestiges d'arcatures aveugles décorant l'hémicycle

c : soubassement en arc de cercle ( vestige d'une absidiole ? )

d, d' : colonnes et chapiteaux ( voir photos )

f, g : ouverture en forme de meurtrière

h : vestige d'escalier en colimaçon

i : porte ogivale.

En pointillé constructions disparues - Zones hachurées : constructions
ajoutées pour les besoins de l'exploitation agricole.


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 Porchet de St Dos demanda alors au vicomte de Béarn la possession de ce terrain, pour y élever un asile en faveur des pauvres pèlerins de St Jacques de Compostelle. Le vicomte fit volontiers don de ce domaine, des terres et des bois d’alentour, pour le repos de son âme et celle de ses parents. Il signa l’acte de donation, en mai 1151, dans l’église Ste Marie de St Dos, en présence de toute sa cour, en faveur de Raymond, curé de cette paroisse et de ses successeurs. Les témoins cités de cette donation sont A. Bornio, abbé de Sordes, Vivier de Gramont, P. de Luxe, Aragon de Garris, Fortaner d’Escot.
On s’aperçoit donc, d’après cet acte, qu’Ordios était primitivement sur le territoire de Saint Dos. Mais il faut se rappeler que la fondation de Labastide ne date que du XIVe siècle ( vers 1340 ). M. Labaig a donné bien des détails sur la vie du monastère aux siècles passés. Dédié à Sainte Madeleine, il servit principalement d’asile aux pèlerins de St Jacques.

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Quelques noms de prieurs et de religieux nous ont été conservés. Sans doute, il y eut en principe des frères chargés de desservir cette maison hospitalière; mais, depuis le XVIe siècle, il n’y eut guère qu’un prieur préposé à cet oratoire. Nous avons trouvé les procès verbaux de la visite pastorale de Monseigneur de Suarès d’Aulan, évêque de dax, à Ordios et dans les paroisses environnantes au XVIIIe siècle. En voici un bref résumé :

  • 27 avril 1739 - Cassaber. Église dédiée à St Jacques. Tableau de Saint Jacques le Majeur. Chapelle où les religieux de Sordes disent la messe le jour de Saint Marc et aux Rogations. Le seigneur de Cassaber présente [fait les présentations] à la cure. Jacques de Capdevielle, curé.
  • 28 avril - Carresse. Église dédiée à Saint Étienne. Élie Pierre de Lalanne présente à la cure. Le chapitre de Lescar n’a pas nommé de temps immémorial. Il est gros décimateur. Quatre cents communiants ; 25 ou 30 y manquent. M. de Monein a une dîme cantonnée de 40 écus.
  • 28 avril - Labastide Villefranche. Dédié à l’Ascension. Tableau de l’Ascension de Notre Seigneur. La fabrique a la dîme de la dîme. Obit de Bidou ; Prébende, dite de Cabé, à laquelle nomme le prieur d’Ordios. Gros décimateurs : l’évêque de Dax et le chapitre de Bidache ; curé : Pierre LAUGA.

Lors de la construction de cette page, nous avons tout naturellement réservé un espace pour placer ici une photo du tableau de St Jacques de l'église de Cassaber. Quand nous avons voulu réaliser cette photo, cela aura été pour apprendre que ce tableau a été volé voilà plusieurs années. Et l'église désormais, fermée au public. Triste époque où même l'art religieux n'échappe pas à la marchandisation !…

L'emplacement restera donc vide, marquant notre désapprobation. L. P.

 

  • 30 avril - Arancou. Vocable : l’Assomption. Deux confréries du S.-St et des Captifs. Moitié de la dîme au chapitre de Bidache, qui paie la congrue au curé ; l’autre moitié à l’hôpital Saint Eutrope de Dax. Pierre Lataillade curé. Patron : le chapitre de Bidache.
  • 30 avril - Auterive. Annexe de Saint Dos. On n’y dit la messe et vêpres que pour la fête patronale. Une procession pour les Rogations. Fabrique.
  • 1er mai - Saint Dos. Vocable : Notre Dame. Un tableau d’une peinture fort grossière , représente un grand Christ avec Saint Jean, la Sainte Vierge et autres figures de saintes. Deux tableaux : Annonciation de la Ste Vierge ; peinture grossière. Une fabrique percevant la dîme de la dîme. Le curé y est accusé de guérir les maladies et de “détourner les tempêtes”. défense lui est faite d’exercer pareilles pratiques “ sous peine de trois mois de séminaire”. Curé : Garbay. Patron présentant à la cure : monastère de Sordes.
  • 2 mai - Ordios. Prieuré de Sainte Madeleine, sur le territoire de Labastide. Chapelle du prieuré : on y voit un tableau de la Madeleine. Les ornements sont dans une maison voisine ; pas de sacristie. Deux espèces de chapelles auprès du sanctuaire. L’évêque fait l’absoute au cimetière où l’on avait jadis enterré et où sont marquées des sépultures. Le procès-verbal ajoute : “Avons aussi  visité l’hôpital de ladite chapelle Ste Madeleine qui consiste dans une maison habitée par des métayers, lesquels ont dit qu’ils exerçoient l’hospitalité envers les pèlerins, et ladite maison est comme une maison ordinaire. Nous a été dit à l’égard du service de la chapelle qu’il y en avoit d’autre que d’y dire une messe tous les ans au jour de la Sainte Madeleine, patronne de la chapelle”. Le curé de Saint Pé [de Léren] dessert actuellement la chapelle.
  • 2 mai - Saint Pée (de Léren). Vocable : Saint Pierre. Un tableau le représente. L’évêque ordonne que la procession des Rogations, qui se faisait à l’église de Léren, se ferait à la chapelle d’Ordios. Le prieur de cet hôpital nomme à la cure et est gros décimateur. 250 communiants. Daniel Camy, à la portion congrue. L’évêque y nomme. Monastère de Sordes gros décimateur.
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Ouverture murée en forme de meurtrière

( f sur le plan )

 

 

 

 


Photos Florence Caillaba

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Vestige d'arcature aveugle et décor
en damier.

( b sur le plan )

On voit donc qu’Ordios, en 1739, était un sanctuaire indépendant dont le prieur nommait à la cure de St Pée de Léren et à une prébende de Labastide. Le culte y était presque abandonné ; le cimetière existait encore. Pas un mot des constructions anciennes qui devaient occuper le côté ouest de l’église. Aucune description de l’intérieur. Ce n’était guère plus qu’un souvenir mémorable du Moyen-Âge.
La Révolution arriva. L’hôpital fut séquestré et vendu. On en fit une grange et une étable. Le vieil autel, les bénitiers, les objets de culte disparurent. Les figures grimaçantes, les grotesques des temps anciens, présents à cette profanation, semblèrent protester à leur manière. Le vandalisme révolutionnaire ôta à l’hôpital tout son caractère sacré.
À la restauration du culte, on ne songea pas à Ordios. Des préoccupations plus graves sollicitaient le clergé. D’ailleurs, le Concordat avait légitimé la possession des biens ecclésiastiques sécularisés. L’hôpital n’était plus qu’un monument archéologique presque oublié.
Depuis lors, chaque jour en a emporté quelques lambeaux. Et pour lui enlever définitivement son caractère de temple sacré, on en a abattu et démoli l’abside romane, il y a déjà quelques années. C’est aujourd’hui une étable où le beuglement des animaux dans la nuit remplace la psalmodie des moines.
Nous avons pu naguère, grâce à l’exquise obligeance des nobles propriétaires actuels de cette antique ruine, contempler à loisir ce qui reste de l’Hôpital d’Ordios […]

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Modillons isolés et sans emploi apparent, mangés par la mousse
et rongés par le temps, la tête humaine et l'oiseau,
sur la façade de la chapelle d'Ordios.

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Le protestantisme a certainement passé par là. Sur la façade, sont sculptés un oiseau et une tête humaine. Rien ne fait supposer que ce fut leur destination primitive.
Devine qui pourra le sens des quatre figures humaines, jetées au hasard à l’ouest, entre les gros moellons. Il y a eu bien des remaniements. Toutefois, quelques pierres d’attente semblent indiquer qu’une construction était attenante à l’église ; il y a aussi les traces d’un escalier extérieur. Les petites chapelle formant une croix au chevet, ont aussi disparu et sont murées […]
Quelques fouilles peu coûteuses amèneraient peut-être des découvertes intéressantes. Déjà, il y a quelque trente ans, on a mis à nu un grand sarcophage qui ne portait malheureusement pas d’inscriptions. Çà et là, dans le bosquet et autour du temple, des ossements émergent de dessous terre, comme une protestation du passé contre le présent. Il serait curieux de savoir la disposition du monastère adossé à l’église. Le sol bossué semble indiquer des murs et des substructions anciennes. […]


Ce texte nous a aimablement été communiqué par Florence Caillaba qui est aussi l’auteur des photos d’Ordios présentées ici.

 

 

Halte à l'Abbaye de Corheta à Cagnotte

Si le pèlerin, au sortir de Dax, a préféré se diriger directement vers le Sud au lieu de cheminer sur la voie d’Antonin par Narrosse, il va arriver au bord du Luy à Saint Pandelon, ou bien un peu plus bas au port de Portets sur le territoire d’Œyreluy.

 

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Là, il lui faut prendre le bac et il va se trouver désormais sous la protection du vicomte d’Orthe. Le chemin passe par le territoire de Heugas et la traversée du Bassecq se fera à Cazorditte.



L’acte de 1464 mentionne le prieur de Cagnotte : Valerian de [U]scars, une caverie déjà mentionnée au XIVe siècle qui se trouvait vraisemblablement sur le territoire de Cazorditte.



Encore quelques pas et le pèlerin se retrouvait à l’abbaye Notre Dame de Corheta.

 

 

Un Lieu Spirituel Privilégié
Dès le IXe siècle au moins, l’abbaye est implantée dans un petit vallon sous l’épiscopat de l’évêque de Dax, Olthérius, alimenté par une source qui passe dans l’église et à laquelle on prête des vertus miraculeuses faisant l’objet d’un culte. Il s’agit là d’un joyau vicomtal, le mausolée de la maison d’Orthe dès le XIIe siècle, sans que l’on en connaisse la raison fondamentale. Des reliques y sont certainement déposées. Cagnotte est donc un lieu spirituel privilégié sur le pèlerinage à l’histoire monastique très riche mais dont le déclin sera achevé dans la première moitié de XVIIIe siècle, son administration passant alors sous le contrôle de l’évêché de Dax.

 

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Notre Dame de Corheta, l'abbaye de Cagnotte - Photo M. H. CINGAL©
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Vue du lavoir - Photo M. H. CINGAL©

Le Choix du Spirituel sur le Temporel
En effet, on peut résumer l’histoire de cette abbaye par le choix du spirituel sur le temporel. Les religieux ont longtemps vécu des libéralités des seigneurs ( rentes et biens fonciers ) et ne se sont jamais inscrits dans l’activité économique. Ils recevaient des seigneurs d’Orthe des dons réguliers pour honorer la mémoire des illustres aïeuls. En 1364, la vicomtesse d’Orthe et sont fils rappellent que “ledit prieur abbatial et le cellerier Adhémar de Viellemajora doivent non seulement entretenir les lampes qui brûlent devant les Corps Saints, mais aussi celles qui sont devant les tombeaux de leur maison et pour l’entretien desquels leurs auteurs et prédécesseurs ont fait de belles donations” confirmant pour ce faire, la donation de 1200 anguilles par an à l’abbaye (n’oublions pas que les moines assurent le gîte et le couvert aux pèlerins contre une somme modique).


Des revenus fonciers étendus et une étape essentielle
Au milieu du XVIIe siècle, ils possèdent près de 300 hectares de bois qu’ils n’ont jamais exploités, contrairement aux communautés voisines. Il est vrai que la terre de Cagnotte, très argileuse, était plus favorable à la poterie qu’à l’agriculture et que les paysans ne devaient pas se précipiter pour demander l’attribution d’un lopin impropre à la culture ! Pour preuve, les revenus fonciers que tirent les religieux sont sur des terres à Gaâs, Pouillon, Cauneille, Saint Lon, Bélus ou Port de Lanne… Cette situation, à laquelle ils s’étaient adaptés, laissait aux moines beaucoup de temps à consacrer à leurs hôtes de passage sur le chemin de Compostelle, à leur apporter aide et réconfort. C’est aussi pour cela que l’abbaye de Cagnotte fut longtemps réputée et constitua une étape essentielle sur le chemin du pèlerinage.

 

Reprenant sa route vers Compostelle, le pèlerin a fait un choix, dicté par des motivations spirituelles ( sa dévotion aux saints ) : il ira à Sordes rejoindre l’itinéraire classique ou bien descendra sur Igaas et Pardies et traversera en direction d’Arthous.

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" Les Pyrénées imposent toute leur force" - Photo Marie Hélène CINGAL©

Troisième Itinéraire Orthois
Quittant l’abbaye, il prend immédiatement à sa gauche, la direction de Cauneille et devra traverser le Bois d’Orthe et ses dangers. Le peuplement n’a jamais été bien développé dans cette partie du territoire à part l’activité du charbonnage qui remonte loin dans le temps. Il va découvrir, s’il fait beau temps, les lointaines Pyrénées qu’il a déjà dû apercevoir un peu plus tôt dans son périple. Ici, elles s’imposent avec toute leur force. Le chemin descend directement sur la maison “Passager”, tenue par une communauté de Clarisses qui accueillaient les pèlerins. L’église et le château ( détruit depuis longtemps ) dominent le Gave de Pau et le passage d’une rive à l’autre. On débarque ainsi au quartier de “Sahuc” qui conduit rapidement à l’hôpital de Sordes, hors les murs de la bastide. Là, les pèlerins retrouveront des compagnons de route du deuxième itinéraire et franchiront ensemble le Gave d’Oloron pour se rendre à Ordios.

 

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La Maison "Passager" à Cauneille. Photo du début des années 1970 ( Invent.)


Quatrième Itinéraire Orthois
Mais il est possible que les pas du pèlerin le conduisent sur un autre chemin. Il sait qu’à Pardies, il va retrouver un lieu saint, réputé pour ses valeurs thaumaturges, il veut encore une fois vénérer les reliques de Saint Martin. Il ira donc vers l’Ouest et les prieurés d’Arbrou et de Saint Urtet ( dont l’existence n’est attestée  qu’à partir du XVIe siècle, de même que d’autres prieurés, dont celui de Saint Ayan à saint Lon ) qui dépendent de l’abbaye de Cagnotte, et empruntera une voie ancienne qui l’amène à Pardies en suivant le ruisseau dont les multiples sources se trouvent sur les flancs du coteau de Bélus. Le lieu-dit “Mahoumic”, que l’on peut traduire par “mauvais amis” ou “mauvais pèlerin”, car “mic” peut signifier “miquelot”, terme péjoratif pour qualifier un pèlerin douteux, renforce l’idée de chemin de Saint Jacques qui emprunte aujourd’hui la route départementale entre Bélus et Peyrehorade. Cela dit bien aussi les risques du pèlerinage où les agressions sont une réalité sur les chemins de Compostelle.

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Certes, le tracé entre Bélus et Igaas du chemin ancien est un peu plus à l’Ouest, où on le connaissait au XIIe siècle sous le vocable de “Chemin de Bernard panat”. Bien que le terme “panat” signifie volé (dans le sens de larcin), nous ne tenterons pas une traduction car nous ne savons pas avec précision qu’il desservait Pardies.

Qu’importe, le ruisseau est un bon guide pour atteindre Pardies, son petit monastère, son église et le moulin dont l’existence est connue depuis le XIIe siècle.

 

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Le quartier de Pardies, vu d'avion. Au premier plan, le moulin - Photo R. MARTIN

Depuis Pardies, il suffit de quelques pas pour embarquer sur les Gaves réunis, peu profonds à cet endroit ( en dehors des périodes de crues, bien sûr ) et gagner rapidement l’abbaye d’Arthous installée depuis le milieu du XIIe siècle en bordure de la plaine alluviale de Hastingues. On note dans l’acte passé au milieu du XVe siècle, une commanderie de St Jacques à Peyrehorade à rapprocher de l’existence d’un hôpital pour les pèlerins, cité au début du XVIIIe siècle dans les registres paroissiaux de Peyrehorade.
La ville de Peyrehorade est fondée au XIIIe siècle, sur l’activité portuaire et de passage des Gaves, ce qui laisse penser qu’une voie importante entre Dax et la Navarre a trouvé un passage sûr chez nous, au détriment du passage de Sordes qu’elle concurrence sérieusement. Ainsi, faut-il considérer le passage de Pardies comme une possibilité non exclusive de passage des Gaves. C’est d’ailleurs celui de la ville qui va perdurer et prendre une importance assez considérable. De là, on peut imaginer que les chemins vont se multiplier pour arriver directement au port et aller à Arthous sans faire le détour par Pardies. Pourtant, Pardies garde un atout avec la relique de Saint Martin et va attirer la variante orthoise de la voie littorale.
De là, le voyage se poursuit à travers le plateau du Laneplaa sur les territoires de Œyregave et de Came pour rejoindre la voie traditionnelle au sud de l’hôpital d’Ordios, au lieu-dit “Couralet”. Là s’arrête la juridiction du vicomte. Nous entrons bientôt en Navarre et le passage des Pyrénées est imminent.


La Voie Littorale ou "Voie des Anglais". Une variante Orthoise

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Célèbres pour leur adresse et leur force, les batelières basques assuraient le passage de l'Adour sur l'emplacement du gué des pèlerins de Compostelle, sur la voie des Anglais, à Bayonne.

Elles figurent sur de nombreuses gravures de la première moitié du XIXe siècle.

On voit ici, Christiane Récarte batelière du début du XXe siècle.

 

 


In "Pays basque, la vie quotidienne à la belle époque", J. Casenave

Éd. Delta Expansion, 1977

La voie littorale qui part du port de Bordeaux et passe par Bayonne va prendre un essor significatif à partir du XVe siècle. Cependant, l’attraction des pèlerins pour Sordes et Arthous paraît avoir été suffisante pour détourner les pèlerins qui entraient en pays dacquois ou en pays de Gosse. On utilisait les traversées de l’Adour à Orist, Pey, Port de Lanne par bacs jusqu’à Pardies ou Peyrehorade vers Arthous, voire vers Sordes si une motivation personnelle guidait le pèlerin pour rejoindre les Pyrénées. Nous avons vu que l’aire de protection du vicomte d’Orthe couvre les passages du Luy, puis de l’Adour, sur chacune des rives.

 

Repartir vers les Pyrénées

Nous l’avons vu, au-delà des Gaves, l’itinéraire passant par Sordes dirige les pèlerins vers le prieuré-hôpital Sainte Madeleine d’Ordios, au cœur du plateau du Laneplaa, sur Labasitde Villefranche. Construit en 1150, cet établissement est contemporain de l’abbaye d’Arthous, construite par des chanoines prémontrés en 1160 et de l’Espitaou Nau dont on ignore cependant la date exacte de la fondation. Ces trois édifices forment la limite sécurisée par la protection du vicomte d’Orthe, au sud de ce plateau très convoité.
Sur les herbages du Laneplaa, aux confins des limites de la Gascogne, les pèlerins se retrouvent à la frontière du Béarn, au carrefour de deux grandes voies : celle qui va d’Aquitaine en Navarre ( toujours la voie antique ) et celle qui relie Oloron à Bayonne ( Hastingues et son port à l’Ouest, jusqu’à Saint Dos, sur la route d’Oloron.
La voie par Arthous a rejoint l’itinéraire de Sordes. Après les errances orthoises, la voie redevient unique… le temps de passer les Pyrénées.