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l est toujours présomptueux, il peut même être sacrilège de vouloir dénuder la religion d'une personne. Ce peut être attenter à ce qu'il y a en elle de plus intime et de plus respectable.  Mais lorsque cette personne - cet homme - a un rôle public ? Et quel rôle public que celui d'un général ! Il a tout simplement le droit de conduire des hommes à la mort et, pour faire bonne mesure, de leur commander de donner la mort. Et quand, de plus, ce général ne cherche pas à dissimuler sa foi, extériorisant tout   naturellement sa piété comme il le fait de sa respiration, lorsque cette foi, cette piété sont cette respiration, pourquoi faudrait-il s'interdire d'être en éveil et de s'interroger  sur cette vie religieuse, si étroitement conjuguée avec la vie quotidienne ? A fortiori quand celle-ci est maîtresse de la vie de milliers d'hommes ?

 

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 Et quand, de plus, ce général ne cherche pas à dissimuler sa foi, extériorisant tout   naturellement sa piété comme il le fait de sa respiration, lorsque cette foi, cette piété sont cette respiration, pourquoi faudrait-il s’interdire d’être en éveil et de s’interroger  sur cette vie religieuse, si étroitement conjuguée avec la vie quotidienne ? A fortiori quand celle-ci est maîtresse de la vie de milliers d’hommes ?

Joseph de Monsabert, c’est d’abord « Anne Joseph ». Tous les Goislard de Monsabert, qu’ils soient filles ou garçons, héritent  ce premier nom : « Anne », la mère de la Vierge Marie, élue patronne de la famille. Une telle hérédité  n’est sûrement pas étrangère à ce que la religion de Monsabert soit d’abord la religion de la famille.  Religion, fonctionnant, si l’on peut dire, "en boomerang" : celle qu’il détient de la famille, celle qu’il lui retourne. Dans ce constant va-et-vient  ( qui, toutefois, ne rappelle guère  l’interrogation  panoramique  du Christ : « Qui est ma mère, qui sont mes frères ? » ), il trouve sa force et sa lumière.

Est-il important de dire ici son baptême, sa première communion, sa confirmation ? Au temps de sa jeunesse, ces sacrements sont administrés, sociologiquement parlant, de façon endémique et banale. Très rares – et d’ailleurs frappés de tranquille ostracisme, sinon objets d’insistances missionnaires – sont les enfants et adolescents qui s’y trouvent soustraits.

Pour le jeune Joseph, comme chez tant d’autres, ils surviennent à point nommé, accompagnant tout naturellement naissance et puberté. Certainement Joseph les a-t-il reçus avec la piété convenant à son âge. Mais, nonobstant la grâce considérée comme inhérente à tout sacrement, la source humaine de sa foi ne nous parait pas être là.

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Cette source humaine doit certes beaucoup à l’éducation donnée par un père vénéré, le lieutenant-colonel Charles de Monsabert, homme d’une foi intransigeante et courageuse. Mais elle doit bien plus encore, en vie et en fraîcheur,  à l’étroite et intime relation qui l’unit à sa petite sœur  Marie–Jeanne, qui deviendra carmélite sous le nom de Sœur Marie de la Trinité. Relation et intimité affectives  qui sont  probablement  à mettre au rang des plus belles amours, oui, pouvant exister entre un frère et une sœur. Les exemples n’en sont pas rares, notre littérature s’illustrant d’ailleurs de l’un des plus intensément romantiques : la communion qu’Alphonse de Chateaubriand connaissait avec sa sœur Lucile, communion qui devait, hélas pour elle, peu à peu se déliter au fil du temps.


Chez Marie-Jeanne et Joseph, au contraire, cette union spirituelle et même mystique (surtout après la mort de Marie-Jeanne) ne devait que s’approfondir avec l’éloignement dû à l’entrée au couvent pour la petite sœur,  et à l’engagement dans l’Armée d’Afrique pour le grand frère. Vocations apparemment totalement opposées. Mais les extrêmes souvent ne s’attirent-ils pas ? Il s’en est en tout cas tissé entre eux un lien indéfectible qu’une correspondance assidue a mis en écrit. Certaines de ces lettres sont reproduites in-extenso ou en extraits dans un ouvrage dont le titre est emprunté aux dernières paroles de Sœur Marie de la Trinité « Je ne crains rien, je vais me jeter dans les bras du Père : je suis trop petite pour avoir peur ». Rassemblant des textes spirituels de Sœur Marie de la Trinité, des lettres de sa sœur visitandine ainsi que des notes de retraite, l’ouvrage débute par un copieux avant-propos du Général.  Il y brosse un vivant portrait de sa jeune sœur, en reproduit plusieurs lettres qui, toutes, illustrent les liens lumineux qui les unissent. Joseph s’y livre, lui aussi, avec esprit et humilité.

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Plus encore se livre-t-il dans ses Notes et mémoires de guerre , ouvrage publié par son neveu Jacques de Monsabert à partir d’un journal informel que le Général a tenu entre 1939 et 1945. Ces réflexions, portées sur le papier au gré des événements, font découvrir chez leur auteur, une foi intense, virile, conquérante mais, là encore, toujours sous-tendue d’humilité. Monsabert y apparaît comme un Croisé, la Campagne d’Italie étant pour lui un combat certes patriotique, mais aussi et peut-être surtout religieux.



Sœur Marie de la Trinité
(Marie-Jeanne de Monsabert)
 
  


Il est vrai que la France de  1940 est encore profondément religieuse. Le cardinal Suhard, à la demande du gouvernement Reynaud, l’a consacrée au Sacré-Cœur,  le Maréchal Pétain, perçu comme providentiel, assiste fidèlement aux cérémonies religieuses organisées dans les villes qu’il visite. Et n’oublions pas une femme, dont la secrète influence était déjà bien réelle auprès de ses fidèles, qui comptaient d’ailleurs de nombreux prêtres et religieux : Marthe Robin. Dès 1936, depuis sa chambre de Châteauneuf-de-Galaure, elle confiait au Père Finet : « La France tombera très bas, plus bas que les autres nations, à cause de son orgueil. Elle aura le nez dans la poussière. Il n’y aura plus rien. Mais dans sa détresse, elle se souviendra de Dieu. » Par la suite, Marthe Robin devait voir en Pétain un sauveur. Ainsi d’ailleurs que le virent, en juin 1940, la quasi-totalité des Français.

Monsabert, pour sa part, ne déroge en rien à l’esprit « catholique et français toujours ». Pétainiste par fatalisme plus que par conviction,  il est avant tout, et – faut-il le dire – corps et âme,  pour la libération de la France de l’emprise allemande. C’est pourquoi, sans être jamais véritablement « gaulliste », il aidera de son mieux le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1943, et acceptera lentement De Gaulle, plus comme  chantre de la Libération que comme véritable libérateur. Car, on le devine, le libérateur dûment « consacré » n’est autre pour lui que le Corps expéditionnaire français, en Italie d’abord, puis en France.

Mû à la fois par son dégoût de la France des années 30 aussi bien que par sa « révolte contre l’emprise de l’esprit germain, nazi et protestant », il fait de ce ressentiment l’armature et l’armure de son combat et, partant, de sa carrière qui avait jusque là quelque peine à prendre de l’altitude.  « Y aura-t-il une croisade contre l’Antéchrist moderne hitléro-stalinien ? Alors, le devoir de tous est d’y préparer les esprits. Il faut réparer les erreurs du temps de paix. Il faut prêcher la Croisade. Forger les esprits  et les cœurs. La lutte sera longue mais la victoire est au bout. " In hoc signo vinces ! ".

Le catholicisme de Monsabert est, pour le moins, plutôt constantinien.

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On peut se demander si, dans ces années-là, beaucoup d’officiers se faisaient encore une telle idée de leur mission, idée tout droit sortie de 14-18, et bien en deçà. De l’avis de militaires et d’historiens parmi les plus éminents, c’est d’ailleurs bien des combats évoquant 14-18 qui ont jalonné la campagne d’Italie, tout spécialement les combats autour de Monte Cassino que l’on pourrait comparer à un  Chemin des Dames  qui aurait réussi.

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Enflammé de religion, Monsabert l’est donc aussi de Grande Guerre. C’est en elle qu’il a fait ses premières armes, en elle que s’est forgée sa personnalité militaire. Pour lui, l’après 1918 est une trêve. Sans plus. Entre  Germains et  Latins,  la guerre, estime-t-il, dure depuis 2000 ans. De plus, il a de la famille au ciel  pour l’inspirer et le protéger : son père,  et surtout cette sœur carmélite avec qui il entretient une véritable communion par delà la mort. Et à cet égard, il faut rappeler un événement qui demeura pour toujours ancré dans la mémoire et le cœur du Général.


Monsabert dans la Cathédrale de Sienne

entre les généraux Guillaume (à droite)
et De Larminat ( à gauche )


Immédiatement après la mort de la petite sœur tant aimée, Joseph se rendit, avec sa femme et son frère, au Carmel de Bordeaux. Derrière la grille de la chapelle, Sœur Marie de la Trinité repose sur un catafalque. Joseph est à genoux devant elle. Mais laissons-lui la parole : 


« Soudain je ne sais quel doute affreux me traversa l’esprit. Du plus profond de moi-même, j’adressai à cette forme immobile une pressante prière : "Si tu es heureuse, fais-moi un signe !" Aussitôt, ses paupières battirent… Peut-être, à travers mon émotion, mes sanglots, avais-je été victime d’une illusion ? Je le pensai moi-même quand je me fus un peu calmé, n’en gardant pas moins au fond du cœur une impression étrange. […]


« Le soir-même, nous reprenions, mon frère, ma femme et moi, le chemin de Paris. Recru de fatigue, je m’allongeai sur la banquette du compartiment. Mes deux compagnons de voyage parlaient entre eux de la journée que nous venions de vivre ; tout à coup, ma femme  prononça ces mots : "Avez-vous vu qu’à un certain moment ses paupières ont battu ?" Je sursautai : mon impression du matin était donc une réalité ! ».

Monsabert a sûrement fait siennes ces paroles (prononcées en 1940 et qu’il ne pouvait ignorer) de Mgr Salièges, archevêque de Toulouse : « Pour avoir chassé Dieu de l’école, des prétoires de la nation, pour avoir supporté une littérature malsaine, la traite des Blanches, pour la promiscuité dégradante des ateliers, des bureaux, des usines, Seigneur nous vous demandons pardon. Quel usage avons-nous fait de la victoire de 1918 ? ». 

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Les généraux de Monsabert, de Lattre de Tassigny

et Guillaume dans la forêt de Büchelberg

lors du franchissement de la Ligne Siegfried

En Monsabert, et en pleines années 1943-44 de la Campagne d’Italie, puis de France, vivent Clovis, la Colombe de Reims, la « Fille aînée de l’Église » Saint Louis et, bien sûr, Jeanne d’Arc… Les choses et les choix sont simples : il y a ce qui participe de la Vérité et ce qui participe de l’Erreur. Ne met-il pas Luther, Hitler et Staline dans le même sac ? Il n’a que faire de « dialogue » ou même (le terme n’ayant pas son actuelle portée) d’observation  d’autre chose que  sa religion. En fait, il serait implicitement plus à l’aise avec l’Islam dont, grâce aux nombreux soldats musulmans combattant sous ses ordres, il avait sûrement quelque idée. N’a-t-il pas pris, comme insigne de sa 3e DIA, trois croissants – bleu, blanc et rouge, agrafés, pour la circonstance, sur la tenue de ses soldats, aussi bien musulmans que chrétiens ?

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On ne peut d’ailleurs  s’empêcher de rapprocher ces fameux "Trois Croissants" de l’effigie bien connue du Sacré-Cœur, cousue sur les uniformes des "Regulares" musulmans de Franco, lors de sa remontée nationaliste à travers l’Espagne, elle aussi érigée en « croisade ». Les insignes ou emblèmes diffèrent,  les dessein politiques sont aux antipodes, mais, qui ne peut le voir, les troupes musulmanes – là, opposées aux Républicains espagnols et ici, aux Allemands- sont similaires.


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Tout comme son général disciple, le Christ de Monsabert est perçu comme conquérant. Du moins peut-on savoir gré au Général de ne pas craindre le ridicule lorsque, après avoir été reçu par Pie XII, il écrit : « Le Christ est parti du Vatican pour reconquérir la France ! Ah, puissent les Français le comprendre. Il faut consacrer la France comme une hostie.  » Nonobstant la métaphore hasardeuse du « Christ partant du Vatican » (pourquoi pas des douars d’Afrique du Nord ?), le Général a-t-il pensé qu’ « hostie » signifie « victime » et qu’il est d’autre hostie consacrée que celle de l’Eucharistie ?  N’est-ce pas non plus un peu trop demander aux Français dont tant et tant, au cours des deux guerres mondiales, ont été, de fait, des « hosties » ?  Et que penser de cette auto-exhortation : «Abnégation ; les hommes ne comptent pas. La France compte seule ! » Qu’auraient pu, surtout, en penser les combattants qui faisaient les frais de l’abnégation de leur général ?

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Marseille, 27 août 1944. Monsabert (au centre) assiste  à une messe

d’actions de grâces célébrée  sous le porche de N.-D. de la Garde.



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Monsabert – des témoins oculaires l’attestent – égrenait son chapelet au plus fort des combats. Ce qui certainement le soutenait lorsqu’il se portait, selon son habitude, sur la ligne de front, au milieu de ses « poilus ». Car c’est encore ce surnom de 14-18 qu’il donnait aux soldats qui se trouvaient sous ses ordres…  Et qui, pour beaucoup, égrenaient sans doute aussi leur chapelet musulman.

Le chef qui s’expose s’impose. Habile stratège et tacticien utilisant, en toute bonne foi, le Croissant pour le service et la gloire de la Croix, Monsabert s’imposait aussi en exposant sa piété. Dans le « dialoque interreligieux » ainsi instauré sans probablement qu’il en eût conscience, ce sont hélas les armes qui parlaient.